À pied d’œuvre pour apporter des solutions

David Guyenne, président de la CCI et entrepreneur lui-même lourdement impacté par les exactions, livre son analyse sur la crise et la reconstruction à venir.

Quel message portez-vous dans ce contexte de crise inédite ?

David Guyenne : J’ai payé un lourd tribut aux émeutes : un centre commercial aux Pont des Français et quatre entreprises, tous pillés et brûlés. Je suis profondément marqué moi-même par le sentiment d’impuissance que l’on ressent à ne pas pouvoir sauver son entreprise, souvent une vie d’investissement et de travail, qui disparait sous nos yeux. Ce qui me fait tenir aujourd’hui ? C’est surtout de voir la grande solidarité qui émerge de cette crise. Et mon action au sein de la CCI m’empêche de m'apitoyer : la Chambre doit rester ce pôle de soutien indéfectible, de stabilité et de prospective pour tous les entrepreneurs, que l’on représente et qui comptent sur nous pour redonner de l’impulsion. Nous sommes tous abasourdis par cette situation, mais il faut se relever et rebâtir. Le rôle sociétal d’une entreprise dépasse l’individu…

Dans un premier temps, dans l’urgence, le rôle de la CCI est bien sûr d’être un point focal pour accompagner les chefs d’entreprise dans leurs démarches d’obtention d’aides… Ce qui n’est pas toujours évident au sein du mille-feuille administratif calédonien. Nous avons été à pied d’œuvre tout de suite, pour faire l’état des lieux et surtout défendre les cas d’entreprises qui n’ont pas accès aux aides, ou pour lesquelles ces dernières ne permettent pas de couvrir leurs charges fixes. Nous essayons de peser de tout notre poids pour porter leur voix et qu’elles reçoivent l’aide adéquate pour leur permettre de survivre. Passé ce premier niveau de gestion de crise, la CCI travaille déjà à imaginer les leviers de résilience, à refédérer les énergies, à redonner du souffle à l’esprit d’entreprendre et aux valeurs pionnières calédoniennes… En somme à retracer des perspectives. C’est un vrai défi, quand le monde entrepreneurial est en si grande souffrance. Mais c’est la raison d’être de la Chambre, et nous sommes à pied d’œuvre pour apporter des solutions.

Comment allez-vous soutenir les acteurs économiques sur le long terme ?

D. G : Face à la faillite financière qui découle de cette crise, inédite dans son ampleur, la Nouvelle-Calédonie devra faire des choix économiques drastiques. Elle va aussi devoir reconnaître le rôle central des entrepreneurs et des citoyens dans l’élaboration d’un projet de société global. La stabilité politique et institutionnelle est une condition sine qua non pour envisager l’avenir, mais il est aussi impératif de recréer de l’attractivité pour accueillir toutes les compétences utiles à la reconstruction du pays. Donner de la visibilité est essentiel. Comment peut-on imaginer de l’attractivité sans possibilité de se projeter, et de projeter le devenir de ses investissements ?

Nous savons que dans les années à venir, il y aura un vrai effort de reconstruction à faire et que des sommes très importantes devront être injectées en Nouvelle-Calédonie. L'assistance de l’État a été organisée en trois grandes phases : la réponse à une situation de crise ; puis l’évolution vers un soutien plus marqué à la transition politique, institutionnelle et économique, et enfin la préparation et la mise en œuvre du processus de transition. C’est l’opportunité de reconstruire « en mieux » et de tendre vers un fonctionnement plus sain et pérenne. Le nickel vert est par exemple une filière stratégique pour l’Europe. À l'échelle territoriale, le BTP, comme les métiers en lien avec la décarbonation, l’environnement ou la sécurité alimentaire, le tourisme durable, les commerces de proximité, nos industries, sont autant de secteurs qu’il faut construire dès aujourd’hui. La prospérité durable pour tous est dans l’ADN de la CCI et des entrepreneurs : nous rebâtirons avec toutes les forces vives de ce pays !